Des chercheurs de la KU Leuven et de l’UZ Leuven ont réussi, pour la première fois, à enregistrer directement la réaction des cellules cérébrales humaines face à des stimuli visuels, une prouesse jusque-là limitée aux études sur les animaux de laboratoire. Ils ont découvert que certaines zones du cerveau réagissent de manière particulièrement intense aux images de corps humains, comparativement à d’autres types d’objets.
L’étude du cerveau humain reste un défi, les techniques traditionnelles d’imagerie, comme l’EEG ou les scanners, ne permettant pas d’observer les réactions des cellules cérébrales individuelles.
Cependant, une collaboration entre la KU Leuven et l’UZ Leuven a permis de contourner cette limite. Leur recherche s’appuie sur des patients épileptiques pour qui les traitements médicamenteux sont inefficaces et qui nécessitent une intervention chirurgicale. Afin de localiser l’origine des crises, les neurochirurgiens de l’UZ Leuven implantent des électrodes de profondeur ainsi que des microélectrodes très fines dans le cerveau.
« Cette méthode nous offre une occasion unique d’étudier, sur une période de deux semaines, des activités et propriétés cérébrales spécifiques », explique Peter Janssen, neuroscientifique au Laboratoire de Neuro- et Psychophysiologie et à l’Institut du Cerveau de la KU Leuven. « Dans cette étude, nous avons montré aux patients des images variées – corps humains, animaux, visages et objets – et enregistré les réactions de centaines de cellules cérébrales. »
Décoder les pensées avec précision
Publiée dans PNAS, l’étude révèle que les cellules cérébrales réagissent beaucoup plus fortement aux images de corps humains et de leurs parties, comme les mains ou les pieds, qu’à d’autres stimuli visuels. Plus surprenant encore, ces mêmes cellules réagissaient aussi à des figures abstraites, comme des dessins en bâtonnets.
Tom Theys, neurochirurgien à l’UZ Leuven et président du groupe de recherche sur les interfaces cerveau-ordinateur (LBI – KU Leuven Brain Institute), explique : « L’implantation d’électrodes de profondeur est une technique déjà bien établie, mais nous utilisons désormais des microélectrodes ultrafines pour mesurer l’activité cérébrale avec une grande précision. Grâce à des algorithmes d’intelligence artificielle, nous pouvons interpréter les signaux électriques des cellules situées à l’arrière du cerveau pour identifier ce qu’un patient voit – un objet, un visage ou un corps. Cette lecture cérébrale précise est impossible avec des électrodes classiques. Ce progrès nous aide à mieux comprendre les fonctions cérébrales normales et les mécanismes de l’épilepsie. »
Vers de nouvelles avancées médicales
« Il est essentiel de confirmer, par ce type d’approche directe, les résultats obtenus grâce aux techniques d’imagerie ou aux études animales », souligne le professeur Janssen. « Une meilleure compréhension du cerveau est également indispensable pour ouvrir la voie à de nouvelles innovations médicales. »
« Par exemple, les interfaces cerveau-machine, qui relient le cerveau à des appareils électroniques, pourraient permettre à des personnes paralysées de contrôler un ordinateur par la pensée. De même, les implants visuels pour les aveugles pourraient ne plus relever de la science-fiction. Si les recherches dans ce domaine sont particulièrement dynamiques aux États-Unis – avec des initiatives comme Neuralink d’Elon Musk – nous apportons aussi des contributions significatives ici à Louvain. »
L’étude intitulée Intracortical recordings reveal the neuronal selectivity for bodies and body parts in human visual cortex, menée par Garcia Ramirez et al., a été publiée dans PNAS. Une autre recherche, Neuronal tuning and population representations of shape and category in human visual cortex, a été publiée plus tôt cette année dans Nature Communications.